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Écrivains, personnages et profils : l’éditorialisation de l’auteur

Colloque international Les 24 et 25 mai à l’Université de Montréal sous la direction de Bertrand Gervais, Servanne Monjour, Jean-François (...)

"Écritures numériques et éditorialisation" - Cycle 2015-2016

L’éditorialisation du soi

La notion d’éditorialisation telle qu’explorée par le séminaire depuis quelques années comme renouvellement des processus d’écriture et de lecture, embrasse l’ensemble des dispositifs permettant la structuration et la circulation du savoir. Ainsi, bien au-delà des aspects techniques qu’elle inclut dans sa définition, l’éditorialisation sous-tend une production de sens et, par là même, la production de visions du monde.
Mais cette production de sens engage plus largement encore des transactions informationnelles permettant d’élargir l’impact de l’éditorialisation au monde des objets physiques et aux modes d’existence. L’espace d’information est devenu un espace d’action sur le réel, en témoignent les dynamiques collectives à l’œuvre au travers des dispositifs d’éditorialisation. En modifiant structurellement les objets, nos échanges informationnels opérés au travers des éditorialisations sont performatifs. On éditorialise tout aussi bien son compte en banque qu’un produit acheté sur un store en ligne et on est désormais enjoint de s’éditorialiser soi-même, au travers de ses multiples profils.
L’éditorialisation de soi relève cependant d’une intentionnalité particulière en tant qu’elle participe à la construction de l’identité de chacun, mais aussi en tant qu’elle préfigure le collectif à l’œuvre dans l’ensemble des dynamiques collectives de négociation du réel, qui définissent selon Gérard Wormser les processus d’éditorialisation.
En explorant la question de l’éditorialisation de soi, le cycle de cette année s’intéressera de près à la notion de profil, comme forme nodale des modes d’existence, d’habitat et de traversée de l’environnement numérique. En tension avec le collectif ou le corps qu’il façonne, mais aussi comme architecture potentielle du savoir, le profil permettra de réinterroger les notions d’autorité (comment l’éditorialisation autorise les savoirs ?), de littératie (l’éditorialisation relève-t-elle d’un savoir ?) et de confiance (comment l’éditorialisation affecte-t-elle les régimes de confiance ?).

Le séminaire est réalisé en collaboration par la revue Sens Public, l’IRI, l’Université de Montréal, le DICEN-Idf, l’Université de Bordeaux et Université de Technologie de Compiègne, soutenu par la MSH Paris-Nord. Il a été créé en 2009 en partenariat avec le laboratoire Invisu (INHA-CNRS).

Responsables : Marcello Vitali-Rosati, Nicolas Sauret
Organisateurs : Franck Cormerais, Louise Merzeau, Servanne Monjour, Nicolas Sauret, Michael Sinatra, Jérôme Valluy, Marcello Vitali-Rosati, Gérard Wormser

- 19 novembre 2015 : Profil et collectif
Autonomie et hétéronomie de la production identitaire

Organisation : Louise Merzeau, DICEN-IDF, Université Paris X

Le profil est le fruit d’une co-construction par les plateformes, les réseaux et les personnes. L’individu qui s’éditorialise est d’abord soumis aux dispositifs qui régissent chaque service. À la fois collectionneur et collection de données, quelle autonomie peut-il retirer de l’éditorialisation de soi ? Est-elle le stade ultime d’une aliénation aux logiques de profilage, comme dans les formes extrêmes de quantified-self ? Ou désigne-t-elle une voie d’émancipation par laquelle le sujet se réapproprie la production de son identité ?
Mis en réseau, l’individu connecté est aussi traversé par les autres, s’écrivant lui-même dans un tressage de réactions, conversations, bifurcations. À partir de quand ce réseau produit-il autre chose que de l’interaction ? Entre le like et la redocumentarisation collaborative, y a-t-il seulement une différence de degré, ou l’éditorialisation ne commence-t-elle qu’à partir d’un certain seuil d’intervention ? La connexion ne suffit pas à produire du collectif. L’éditorialisation en revanche implique une intentionnalité de mise en commun, à travers des protocoles de discussion, de réplicabilité et de transmission. Peut-on alors considérer que l’éditorialisation serait ce qui permet de passer du graphe au groupe ?

- 10 décembre : Corps et profils
Construction d’une corporalité en ligne

Organisation : Servanne Monjour, Université de Montréal

L’identité numérique est souvent présentée comme une question d’image – une image de marque qui assure notre visibilité sur le web. Cette visibilité n’est pourtant qu’un aspect superficiel de notre présence numérique, puisque la construction de l’identité se joue davantage au niveau de l’indexation de soi que de la figuration de soi : en d’autres termes, la visibilité n’est plus seulement celle du portrait, ni même celle du corps. Tant et si bien que le profil appelle finalement un enjeu d’invisibilité plutôt que de visibilité, de manière à nous redonner le contrôle de nos traces. Et en effet, de plus en plus d’utilisateurs éditorialisent leur profil en dérogeant aux règles de la représentation notamment imposées par la structure des dispositifs en ligne. Face à ce nouvel enjeu d’invisibilité, le paradigme de la représentation semble devoir être peu à peu abandonné au profit de la production de corps numériques. Le référent n’est plus un enjeu pertinent et le profil se suffit à lui-même : il fait œuvre autant qu’il fait autorité. Dès lors, quel rôle tient désormais l’image dans la production des profils ? Car paradoxalement, nous sommes tous photographes : nos téléphones nous permettent de capter, de modifier et de partager nos clichés sur les réseaux en moins d’une minute, tant et si bien que l’image photographique est devenue une nouvelle forme de langage participant à la constitution de ces identités profilaires. Jouant de la contradiction apparente entre visibilité et invisibilté, de quelle manière l’image peut-elle participer à ces formes inédites de production identitaire ? Peut-on parler d’une corporalité du profil ? Enfin, si le paradigme de la représentation est abandonné, comment ces pratiques d’éditorialisation du profil redéfinissent-elles en retour le statut de l’image ?

- 7 janvier 2016 : Éditorialisation de l’universitaire
Retour d’expérience du projet humanum-edinum

Organisation : Jérôme Valluy,TERRA-HN

Pour les artistes, les écrivains, les chercheurs, les universitaires, l’éditorialisation numérique des oeuvres professionnelles (créations, recherches, cours…) s’imbrique étroitement avec l’éditorialisation de soi dans les réseaux sociaux (Fb., Twit., R.G., Acad., Link...), mais aussi les forums, chats, listes emails d’interactions personnelles & professionnelles avec publics, étudiant-e-s, collègues, évaluateurs, amis, familles… Les dispositifs d’éditorialisation des oeuvres et de soi en diverses formes d’expression (oeuvres travaillées, expressions d’humeur, réactions instantanées…) prolifèrent et se diversifient (sites professionnels, personnels, plateformes collectives d’éditorialisation, blogs, réseaux, revues, MOOC…) tout en faisant souvent perdre la maîtrise du cadre d’expression, mais aussi de l’accumulation des expressions. Les traces numériques, personnelles et professionnelles, s’accumulent au cours des années et décennies, formant un corpus diffus, peu rationalisé dans sans cohérence d’ensemble, ni aisément maîtrisable quant aux effets d’images identitaires qu’elles produisent. L’agencement global de ce corpus dispersé sur Internet, dépendant de surcroît de multiples dispositifs socio-techniques d’éditorialisation, disjoints et aux logiques très différentes, n’a pas toujours de sens global perceptible par autrui. Or le “profil” qui en résulte par sédimentation de traces numériques interagit avec les relations socio-professionnelles quotidiennes et les projets d’activités envisageables voir avec les carrières. Peut-on concevoir conceptuellement et techniquement des dispositifs d’éditorialisation indépendants qui (re)donnent à ces auteurs une maîtrise au moins partielle de la conception du cadre d’expression, de l’accumulation des oeuvres et traces d’activités sur plusieurs décennies, de la cohérence d’ensemble du corpus de significations qu’ils produisent, et par là du profil qui en résulte, tout en favorisant la diffusion en libre accès de leurs productions ? C’est l’une des questions auxquelles tente de répondre la recherche technologique “EdiNum-HumaNum” sur un “ouvrage numérique dynamique, indépendant, en accès libre” compilant une production individuelle universitaire (enseignements et recherche) de près de trente ans dans un dispositif intégrant formats multiples et systèmes d’interaction. Il s’agit de savoir si l’on peut concilier la nécessité particulière de communiquer, caractéristique de ces métiers, et les formes numériques que prend cette communication aujourd’hui, avec la défense d’une indépendance intellectuelle et créative, tant individuelle que collective, nécessaire à ces métiers, mais aussi à d’autres types d’acteurs sociaux.

- 21 janvier : Détournements et création
Les pratiques alternatives, à la périphérie des plateformes

Avec : Victoria Welby et Lionel Maurel

De toute part nous viennent des indications quantitatives stupéfiantes. Un milliard d’utilisateurs de Facebook en 24h, 2 milliards de dollars investis par Facebook pour acheter OculusRift qui en avait levé moins de 100 millions dans sa brève histoire antérieure. Les majors des réseaux interactifs seraient-ils en passe de préempter tous les usages novateurs des technologies numériques ? Les solutions industrielles mises en place par des firmes comme SAP, Dassault-Systèmes, CapGemini et autres deviennent des applications sécurisées dépendant de modèles qui associent des silos et des protocoles de partage d’information à l’usage de clients exclusifs. Les plateformes comme Amazon, DailyMotion ou YouTube fournissent des environnements formatés pour des usages spécifiques très largement ouverts au public. Des formats intermédiaires comme ceux des compagnies aériennes ou des banques conjoignent la sécurisation et l’ouverture au client. Quels environnements numériques permettent-ils une certaine créativité ? Les logiciels de blogs ou d’enseignement à distance ? Des espaces dédiés à la création numérique en réseau ? Ou bien pouvons-nous repérer des usages détournés et inventifs des plateformes standard comme Tumblr ou Twitter ? L’intensité inégalée des échanges et la dispersion des initiatives rend particulièrement difficile, le repérage, l’analyse et la stabilisation des créations numériques, dont la plupart ne seront connues que de tout petits cercles de suiveurs. Nous suivons Richard Sennett lorsqu’il affirme que l’artisanat créatif, qui demande la formation d’un tour de main spécifique et requiert à la fois du temps, de la précision et une plongée dans un univers de références internes à la pratique, est mis hors-jeu par la plupart des contextes logiciels avec lesquels nous interagissons. Si nous mettons la question des contenus subversifs ou polémiques entre parenthèses pour nous concentrer sur les usages alternatifs des technologies et des environnements numériques eux-mêmes, comment pourrons-nous aborder le repérage du corpus considéré ? Si nous nous bornions aux créations faisant l’objet d’un visa officiel (résidences d’artistes, départements d’université, bourse délivrées par des institutions), nous aurions un aperçu du possible créatif, mais non pas du potentiel réellement alternatif. Si nous nous mettions à l’affût de créations périphériques, l’océan des liens nous submergerait de trouvailles aléatoires et souvent inexploitables : plateformes à l’abandon, esquisses sans développements suffisants, projets aux contours flous, univers linguistiques inconnus... Ne sommes-nous pas méthodologiquement tenus d’opter pour une stratégie explicitement restrictive : une approche monographique commanderait de spécifier une recherche en fonction d’une application déterminée, ou en fonction d’un nuage de mots-clés particulier : cela permettrait au moins des sondages concrets. Ou bien il faudrait renoncer à considérer les univers numériques comme autonomes et évoquer les créations ou interprétations ou autour d’un événement particulier, qu’il s’agisse d’une série télé ou d’un attentat politique et des réactions associées. Au-delà, l’univers du code et des données devrait permettre de repérer des usages inusités de la programmation, des fonctions rarement utilisées mises en avant, des espaces collaboratifs ouverts à des travaux originaux. Il y a là en puissance nombre d’orientations de recherche pour les années qui viennent.

- 18 février : Le profil comme production de réel
Les modes d’existence des choses au prisme des transactions identitaires

Organisation : Gérard Wormser et Marcello Vitali-Rosati

Nous interagissons en permanence avec notre environnement : c’est là une donnée anthropologique centrale. La caractéristique contemporaine de ces interactions consiste à intégrer notre identité sociale, affective, communicationnelle, esthétique dans un environnement relationnel technologiquement structuré. Cet environnement relationnel forme en quelque sorte le filtre de nos actions : il contribue à leur donner un cadre d’opérationnalisation, permet diverses anticipations, récursivités, transactions et expérimentations dont les effets en retour nous assignent une identité. En un sens, au « doublet empirico-transcendental » qui définissait le sujet traditionnel (Cf : Foucault, les mots et les choses) à l’articulation de possibilités pratiques (corporelles, cognitives, sociales) et de formes prescriptives (normes de conduite, valeurs incorporées, orientations existentielles, normes institutionnelles) aurait succédé non pas comme le voyaient en leur temps Heidegger ou Foucault un délaissement métaphysique qui situerait le phénomène humain comme une question adressée au monde comme totalité des interactions, mais bien davantage une intensification des liens qui absorbent le monde au cœur de nos gestes. Nous pourrions ainsi renvoyer au sens ancien du terme de gestion pour désigner ces « faits et gestes » qui nous caractérisent tant pour dessiner notre avenir que pour matérialiser notre passé. La temporalité contemporaine est ainsi marquée par l’extraction de nos gestes de leur contexte de production pour qu’ils deviennent autant de traces qui signalent notre existence. Jamais autant la distinction entre la mémoire autobiographique et les attestations matérielles n’ont divergé, sauf à supposer que ces attestations constitueraient en propre une mémoire pour nombre de nos contemporains.

- 17 mars : De la confession de soi à la confiscation de soi
Herméneutique du sujet et régime de la trace numérique

Organisation : Franck Cormerais et Amar Lakel, Université de Bordeaux
Attention, le séminaire commencera à 12h30 à Montréal ; 17h30 de Paris

La dynamique de l’éditorialisation numérique en général et des réseaux sociaux en particulier transforment profondément les modes de subjectivation dans l’espace public. L’évolution des techniques de soi est accompagnée par un nouveau régime de traces qui se démultiplie dans le développement des plateformes de publication en ligne (blog, réseaux sociaux, social bookmark, économie du partage). Ce régime de la trace numérique contribue à mutation d’un rapport à soi à travers les thèmes de la conversion (métanoïa) et de la confession (aveu). Une herméneutique du sujet aujourd’hui ne peut se concevoir sans un détour par la convertibilité des données et les modes d’écriture associés à des « exercices existentiels ». Par ailleurs, l’économie politique de ces plateformes numériques de l’aveu et du don repose entièrement sur la reconstruction a posteriori du sujet, de l’auteur. Big datas et algorithmes sont les nouvelles technologies de la confession au service d’une subjectivation de soi (Klout, dis-moi à quel point je suis influent !), mais surtout d’une subjectivation au service des pouvoirs qu’ils soient marketing ou juridico-politique. Entre confession et confiscation se joue un destin d’une individuation qui par le biais du « web 2.0 » relance, à travers les Humanités digitales et ses méthodes, la question difficile d’une définition actuelle de l’auteur.

- 14 avril : Le Profil comme architecture du savoir
Une matrice pour la traversée des espaces numériques

Organisation : Louise Merzeau

Devenue ressort et vecteur de la présence en ligne, la forme profilaire ne circonscrit plus seulement des identités. Fonctionnant de plus en plus comme une matrice organisationnelle, le profil devient un modèle de structuration, d’articulation et de représentation des savoirs. À mesure que les individus s’éditorialisent, la construction de leur réseau de relations configure de fait des espaces documentaires, des architectures informationnelles et des jeux de données qui s’élaborent selon des logiques affinitaires autant que cognitives. Dans quelle mesure ces modes d’agencement transmédia affectent-ils l’organisation et la transmission des connaissances ? Le profil peut-il être considéré comme un outil d’archivage et de navigation dans le savoir ? Comment mémoire et fiction viennent-elles enrichir ou compliquer cette nouvelle disposition des sources et ressources ? Telles sont quelques-unes des questions qui seront abordées dans cette séance.

- 12 mai : Atelier I : Désir de profilage et profilage du désir
L’intention catégorisée

Organisation : David Pucheu et Olivier Le Deuff, Université de Bordeaux

L’importance croissante des usagers dans les processus de catégorisation et de classification des données numériques (indexation, recommandation, évaluation) qui fonde en grande partie la valeur ajoutée (et le fonds de commerce) du web dit collaboratif ou social n’atteste pas simplement d’une volonté d’optimiser l’accessibilité à ces mêmes données : elle constitue en effet une porte ouverte sur les désirs et les intentions des individus.
La pratique du tagging par les usagers (folkosomie) trace les contours de représentations du monde propres aux individus qui en sont les acteurs : elle permet rétroactivement de catégoriser non plus les données, mais l’usager lui-même, « segmenté en profils qui se rapportent tous à « lui-même », à ses propensions, ses désirs présumés » (Rouvroy, 2013)
Ce “désir de profilage” des usagers, cette libido sciendi qui portent sur l’identité des usagers s’inscrit dans une double visée à la fois prédicative et heuristique. Elle voudrait en effet non seulement anticiper, mais également dévoiler, découvrir les désirs inavoués, inconscients des usagers. 
C’est cette libido sciendi qui alimente rétroactivement le profilage de leurs désirs à des fins mercantiles sous couvert d’une stratégie qui est celle du service rendu. Si bien que la volonté d’en savoir plus sur les individus s’appuie sur une volonté de se voir qui se concrétise par le biais de réseaux sociaux et d’applications qui captent davantage de données personnelles de manière de plus en plus volontaire notamment quand il s’agit d’exposer des données issues de la quantification de soi. Cette pénétration au sein de la sphère de l’intime se poursuit sur les territoires des corps et de la sexualité qui s’exprime par l’utilisation notamment des tags sur les sites de vidéos pornographiques librement consultables. Cette indexation des désirs s’avère également déformante dans la mesure où elle véhicule des représentations au point de populariser certaines expressions comme la MILF (Mother I’d Like to Fuck). Au final, il s’agit non seulement d’un accroissement des stratégies de l’indexation des existences, mais également des mécanismes d’influence des manières de voir et de se représenter le monde par les individus qui méritent d’être interrogés. Quelles sont en effet dès lors les institutions dominantes de ce biopouvoir ?

- 16 juin : Atelier de clôture
Editorialisation et culture numérique... sectorisées ?

Organisation : Jérôme Valluy

Cette session, sous forme d’atelier, reprendra les thématiques et les questions traitées lors des huit séances précédentes, pour réinterroger leurs enjeux et tenter de dégager quelques éléments de réponses et axes tendanciels.

L’éditorialisation comme concept éclairant certains aspects de la culture numérique, pourrait souffrir d’une faiblesse liée à son emploi au singulier si celui-ci contraignait à croire à l’homogénéité ou à l’unicité de cette culture. Le passage séculaire des sociétés traditionnelles, territorialisées, au sociétés contemporaines industrialisées s’est accompagné d’un long processus de sectorisation, corollaire d’une déterritorialisation des rapports sociaux observée dans les humanités classiques et les sciences humaines naissances dès la fin du 19ème siècle. Depuis lors ces "secteurs" socio-professionnels mais aussi cognitifs et culturels se sont imposés comme un cadre ordinaire de construction des identités personnelles et collectives, de communication entre les individus et groupes sociaux et d’imputation des temps de vie les plus importants (activités professionnelles, loisirs..).
D’une certaine manière, chacun-e vit davantage dans un secteur que dans un territoire et, corrélativement, chacun-e s’identifie, aujourd’hui davantage qu’aux siècles antérieurs, par son métier ou sa formation (ou ses participations) que par son lieu de naissance. Ces secteurs se sont reflétés dans le champ de la connaissance relative aux humanités et aux "sciences" naissantes dans le cours du 19ème siècle, par la construction de "disciplines" qui à la fin du 20ème structurent fortement l’organisation éditoriale des connaissances, celle des formations initiales et continues, celle des institutions de la culture et du marché. Ce phénomène historique de sectorisation a conduit l’anthropologie à dépasser depuis longtemps, dans l’analyse des faits culturels, l’indexation de la culture au seul territoire, même érigé en nation. Des sous-cultures sont distinguées : culturelles professionnelles, cultures d’organisations, cultures disciplinaires, cultures de classes, cultures générationnelles, cultures diasporiques, etc.
Le tournant numérique, par sa fulgurante ampleur, pourrait laisser croire à une soudaine dissolution de cette mosaïque culturelle dans la vaste étendue d’une "culture numérique", homogène, planétaire ou linguistique, passant par l’Internet et le Web. Dans cette perspective, l’éditorialisation numérique sous ses multiples aspects tendanciels - processuelle, performative, ontologique, collective... - serait-elle même homogène au moins en tant que dépendant davantage des cadres cognitifs et expressifs induits par les dispositifs technologiques et par des comportements sociaux induits par ces dispositifs, que par les structures sociétales sédimentées depuis plus de deux siècles. Ce singulier ne serait-il pas une facilité de la pensée inclinant à une simplification du monde pour réduire la charge de travail analytique et interprétatif qu’impose toute prise de conscience de la diversité ? Ou faut-il distinguer des "cultures numériques" et par suite des formes d’éditorialisation numérique qui seraient spécifiques à chacune ? Et dans ce cas, quels segments traversent l’éditorialisation numérique, l’écriture numérique et, partant, la culture numérique ? Les mêmes "secteurs" qu’autrefois ou bien de nouveaux principes de segmentation qui seraient alors l’un des traits spécifiques à cette culture numérique ?

séances

  • Profil et collectif

  • Corps et profils

  • Éditorialisation de l’universitaire

  • Détournements et création

  • Le profil comme production de réel

  • De la confession de soi à la confiscation de soi

  • Le Profil comme architecture du savoir

  • Atelier I : Désir de profilage et profilage du désir

  • Atelier de clôture